La RSE n’a jamais été autant présente dans les entreprises… et pourtant, elle n’a jamais semblé aussi complexe, dispersée et difficile à piloter. Tableaux de bord interminables, labels à obtenir, injonctions réglementaires, pressions internes et attentes croissantes des consommateurs : les équipes RSE sont souvent submergées, parfois isolées, et peinent à identifier ce qui compte vraiment.
Dans cet échange de l’épisode N°55 de Markoeur avec Valérie Jourdan, cofondatrice de Promise Consulting et co-autrice du livre RSE : maîtriser, comprendre, agir, (Editions Ellipses) nous explorons un autre chemin : celui de la simplification, de la clarté et de l’impact réel.
À travers des cas concrets, des tendances sociologiques, des retours d’expérience terrain et une méthode éprouvée (Good Proof), Valérie montre comment remettre la RSE à sa juste place : au cœur de la stratégie, des choix, et du quotidien des collaborateurs.
Un article pour celles et ceux qui veulent construire une RSE utile, crédible, performante — et profondément humaine.
I. La RSE aujourd’hui : un sujet essentiel, mais trop souvent “en crise”
-1. L’explosion des attentes… et le sentiment de débordement
Au fil des années, la RSE a gagné en visibilité, en légitimité et en obligations réglementaires. Pourtant, ce développement s’accompagne d’un paradoxe : de nombreuses entreprises ressentent une forme de crise dans leur démarche RSE.
Valérie Jourdan observe régulièrement trois phénomènes :
- Une surcharge d’initiatives : les entreprises accumulent des actions sans réelle priorisation.
- Une difficulté de cadrage : les équipes manquent parfois d’une vision structurée, historique et stratégique.
- Une grande diversité de profils RSE : certains viennent des RH, d’autres du marketing, du retail, de la communication ou de la stratégie… Ce qui enrichit le sujet, mais complique aussi son cadrage.
Ce manque de repères crée un environnement où les responsables RSE tâtonnent, s’épuisent ou se sentent seuls, parfois même inaudibles au sein de leur organisation.
-2. L’absence d’un socle commun : l’importance du recul historique
L’un des apports majeurs du livre co-écrit par Valérie est la volonté de restituer l’origine, l’évolution et les cadres conceptuels de la RSE.
Elle explique que beaucoup de professionnels se sont tournés vers la RSE après 2020, souvent dans une quête de sens ou de reconversion profonde.
Conséquence :
➡️ L’histoire longue de la RSE — ses raisons d’être, ses références, ses fondations — est parfois méconnue.
➡️ Les équipes se retrouvent à devoir agir sans toujours comprendre le “pourquoi” de la démarche.
D’où la nécessité d’un ouvrage de référence, pensé à la fois pour les professionnels et les milieux académiques, qui rassemble la bibliographie, les modèles structurants, les schémas et les passerelles indispensables.
II. Replacer la RSE dans la stratégie : une opportunité plutôt qu’une contrainte
-1. La RSE comme levier économique et marqueur de performance
Contrairement à une idée reçue, la RSE n’est pas un centre de coûts.
Pour Valérie : c’est un levier puissant de différenciation, de réputation, de fidélisation et de conquête.
Lorsqu’elle est intégrée dans la stratégie globale, la RSE :
- nourrit l’image de marque,
- renforce la désirabilité,
- ouvre des opportunités de marché,
- prépare l’entreprise à l’économie de demain.
L’ambition n’est pas de cocher toutes les cases du reporting, mais de faire les bons choix, alignés avec le positionnement de la marque et ses objectifs marketing.
-2. L’importance d’éviter les “roadmaps sapin de Noël”
Expression devenue un véritable marqueur de l’épisode, la “roadmap sapin de Noël” décrit ces plans d’action RSE où tout est ajouté, partout, tout le temps.
Résultat :
- Perte de lisibilité
- Perte d’efficacité
- Risque de greenwashing
- Découragement des équipes
Pour Valérie, simplifier la RSE commence par une règle cardinale :
➡️ Mieux vaut quelques engagements forts et tenus que des dizaines d’actions dispersées
-3. L’exemple de Chopard : la puissance des petits pas
Dans l’univers de la joaillerie, Chopard adopte une démarche inspirante : avancer par étapes, expliquer son chemin, assumer ce qui est possible — et ce qui ne l’est pas encore.
Cette transparence progressive rassure.
Elle crée de la confiance.
Elle évite les promesses intenables.
Elle montre qu’un engagement sincère vaut mieux qu’un engagement parfait.
C’est l’une des idées fortes du discours de Valérie :
👉 Les consommateurs sont prêts à entendre des démarches progressives, tant qu’elles sont honnêtes et tenues dans le temps.
III. Comprendre les consommateurs pour mieux orienter la RSE
-1. “Ma cabane, mon refuge” : la tendance post-Covid qui change tout
Avec la crise sanitaire, un basculement sociologique majeur s’est opéré.
Les consommateurs ont ressenti le besoin de sécurité, de cocon, de refuge.
Cette tendance — baptisée “ma cabane, mon refuge” — continue d’influencer :
- la manière d’habiter,
- les achats du quotidien,
- la relation aux marques,
- la perception des engagements RSE.
Les agressions visuelles, sonores, médiatiques et sociales extérieures renforcent ce désir d’un lieu où l’on se protège, où l’on prend soin de soi et de ses proches.
➡️ La conséquence pour les entreprises :
La RSE doit être pensée depuis le réel vécu par le consommateur, ses peurs, ses aspirations, ses besoins de sens et de réassurance.
-2. Le rapport au bonheur et à la consommation
Vous évoquez durant l’épisode une réflexion personnelle :
le bonheur vient-il de ce qu’on possède, ou des relations que l’on cultive ?
Cette question résonne avec la tendance observée :
- Moins de surconsommation
- Plus de sobriété choisie
- Plus de moments de qualité
- Rejet accéléré des modèles ultra-low cost quand ils deviennent éthiquement contestés
Les marques doivent intégrer cette transformation profonde.
Elles doivent comprendre que :
➡️ La consommation évolue, mais ne disparaît pas.
➡️ Ce qui change, c’est le sens.
IV. L’enjeu central : remettre l’humain au cœur de la RSE
-1. La solitude des responsables RSE
Il ressort très clairement de vos échanges que les personnes en charge de la RSE :
- doivent maîtriser le juridique
- doivent maîtriser le marketing
- doivent embarquer les collaborateurs
- doivent anticiper les risques
- doivent gérer l’opérationnel
- et doivent rapporter aux dirigeants
👉 Un métier de mouton à cinq pattes.
Cette réalité explique pourquoi tant de responsables RSE ressentent un besoin de méthode, de soutien et d’outils structurels.
-2. Transformer les collaborateurs plutôt que les contraintes
Pour Valérie comme pour vous, la RSE n’a de valeur que si elle est incarnée par l’ensemble de l’entreprise.
Elle n’est pas :
- un service à part,
- une mission déléguée,
- un label à obtenir.
Elle est une manière de se poser des questions au quotidien :
- Comment je produis ?
- Comment je vends ?
- Comment je communique ?
- Comment j’impacte mon environnement interne et externe ?
La RSE devient puissante lorsqu’elle transforme les comportements, pas seulement les reportings.
V. The Good Proof : une méthode pragmatique pour hiérarchiser la RSE
-1. Pourquoi une méthode était nécessaire
Promise Consulting a constaté que les entreprises avaient besoin d’un outil :
-
- simple,
- robuste,
- actionnable,
- capable de prioriser,
- aligné avec les attentes du marché et les réalités du marketing.
Ainsi est née la méthode Good Proof.
-2. Une démarche hybride : quali + quanti
La méthode se déroule en deux étapes :
- Une phase qualitative
- Recenser toutes les idées présentes dans les roadmaps
- Échanger avec les équipes
- Clarifier les intentions
- Comprendre les contraintes internes
- Une phase quantitative
- Mesurer l’appétence consommateur
- Évaluer la différenciation potentielle
- Tester la désirabilité
- Estimer l’impact sur l’image, la notoriété ou la vente
Chaque engagement RSE est ensuite positionné selon les objectifs stratégiques de la marque :
➡️ conquête,
➡️ fidélisation,
➡️ image,
➡️ notoriété.
-3. Les bénéfices pour les entreprises
Grâce à cette méthode, les marques :
- savent quoi prioriser,
- comprennent ce qui a le plus de potentiel,
- identifient ce qui est tactique ou stratégique,
- adaptent leurs engagements à leurs marchés,
- embarquent plus facilement les équipes,
- évitent les risques de dispersion.
Dans certains cas, la méthode a même permis d’identifier des engagements universels, performants dans tous les pays, et d’autres plus tactiques et ciblés.
VI. Vers une RSE plus simple, plus stratégique, plus humaine
-1. Simplifier ne veut pas dire réduire l’ambition
La simplification défendue par Valérie n’est pas un renoncement.
Au contraire, elle permet :
- d’agir avec cohérence,
- de tenir ses promesses,
- d’alléger les équipes,
- de renforcer l’efficacité,
- d’augmenter l’impact.
Une entreprise qui sait ce qu’elle doit faire… agit mieux.
-2. L’importance d’avancer régulièrement
La conclusion partagée dans l’épisode est limpide :
👉 Mieux vaut avancer par petits pas que se perdre dans les grandes déclarations.
Cette approche :
- renforce la crédibilité,
- fidélise les consommateurs,
- crée une dynamique interne positive,
- prépare l’entreprise à long terme.
VII. Conclusion : remettre le sens au cœur des décisions
Simplifier la RSE, ce n’est pas la minimiser.
C’est la rendre utile, lisible, performante et humaine.
C’est accepter que :
- la RSE n’est pas un reporting, mais une vision,
- la transparence vaut mieux que les promesses parfaites,
- la stratégie doit guider les engagements,
- les consommateurs évoluent vers plus de sens et de refuge,
- les équipes ont besoin de structure, d’outils et de priorités,
- la cohérence est plus puissante que la quantité.
Dans un contexte où les défis climatiques, sociaux et économiques s’intensifient, la RSE n’est pas une contrainte.
Elle est une chance :
✔️ pour renforcer sa marque,
✔️ pour engager ses collaborateurs,
✔️ pour innover,
✔️ pour anticiper,
✔️ pour construire la confiance,
✔️ pour préparer l’avenir.
Et surtout, pour remettre — enfin — l’humain, le sens et l’impact au centre.
Cet épisode 55 de Markoeur avec Valérie Jourdan montre une chose essentielle :
👉 comment remettre la RSE à sa juste place : au cœur de la stratégie, des choix, et du quotidien des collaborateurs.
Retrouvez d’autres épisodes du podcast Markoeur autour de la RSE :
- N°46 avec Sabine Jean Dubourg – Acheteuse depuis 25 ans et experte en achats responsables depuis plus de 15 ans !
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- N°48 avec Fabrice Bisson – Fondateur d’Élocycle, (mise à disposition de flottes de vélos électriques pour les entrerpises)
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