La fin de vie du matériel informatique est un angle mort du numérique responsable. Pourtant, revaloriser ses appareils IT est un puissant levier RSE, économique et environnemental. Pourquoi, comment, et par où commencer ?
Décryptage et conseils issus de l’épisode 54 de Markoeur avec Aubin Lefebure, co-fondateur de Revalo.
Quand on parle de numérique responsable, on évoque souvent l’écoconception, la réduction des usages inutiles, ou encore le bilan carbone du digital. Pourtant, un sujet reste largement sous-estimé : la fin de vie du matériel informatique — ordinateurs, smartphones, serveurs, tablettes, écrans.
C’est précisément sur ce terrain que se positionne Revalo, une jeune entreprise qui accompagne les organisations dans la collecte, l’effacement des données, le réemploi et la revalorisation de leurs appareils IT.
Cet article reprend les idées et messages clés échangés avec Aubin Lefebure, dans l’épisode 54 de Markoeur, afin d’offrir aux dirigeants, DSI, responsables RSE et office managers une vision claire des enjeux et des solutions possibles.
I. Pourquoi la revalorisation du parc IT devient incontournable
– 1. Un enjeu environnemental majeur
Un ordinateur représente environ 800 kg de matières premières mobilisées lors de sa fabrication.
Cela signifie que chaque flotte informatique dormant dans les placards pèse lourd — très lourd — en termes d’impact écologique.
Les entreprises stockent, remplacent et renouvellent trop vite, parfois pour d’excellentes raisons (sécurité, performance), mais aussi par habitude ou facilité. Résultat :
- du matériel encore fonctionnel est “mis au rebut” prématurément,
- des appareils récents restent inutilisés (cas réel évoqué par Revalo),
- des centaines ou milliers de PC de 3 à 5 ans attendent d’être triés, effacés, reconditionnés ou recyclés.
Ce phénomène n’est pas marginal : il est systémique.
Et si l’on prend du recul, prolonger la durée de vie d’un appareil reste la première action la plus efficace en numérique responsable (avant même l’écoconception ou la réduction des usages).
– 2. Un contexte réglementaire qui évolue vite
Les entreprises doivent composer avec plusieurs lois et obligations croissantes :
- La loi AGEC
Elle pose les bases de l’économie circulaire (dont le recours au reconditionné) et encadre divers aspects liés au numérique et aux déchets électroniques.
- La loi REN
Elle introduit notamment un objectif : 20 % du parc IT des administrations doit être reconditionné.
Pour l’instant, cette obligation touche surtout le secteur public, mais elle annonce une tendance de fond.
- La CSRD (version révisée)
La révision récente a rendu la directive applicable à un nombre plus restreint d’entreprises, mais elle renforce néanmoins les exigences de transparence sur les impacts numériques.
Même si ces cadres légaux ne sont pas encore contraignants pour toutes les entreprises, le mouvement global est clair : les organisations doivent structurer une politique numérique responsable, incluant la gestion de fin de vie des équipements IT.
– 3. Un risque croissant d’obsolescence forcée
Le cas de la fin des mises à jour de sécurité de Windows 10 en 2025 est emblématique.
Des dizaines de milliers d’appareils en France — parfois encore parfaitement fonctionnels — deviennent soudainement “obsolètes” malgré leur bon état.
Conséquences :
- obligation d’achat de matériel neuf dans l’urgence,
- impossibilité de revendre les appareils non supportés,
- génération massive de déchets électroniques,
- tensions budgétaires dans les DSI.
Cette décision illustre la *dépendance des organisations à un nombre très limité d’acteurs technologiques, ce qui soulève également des enjeux de souveraineté numérique.
II. Un levier RSE souvent ignoré : la gestion du parc IT
Pour Aubin Lefebure, c’est un constat sans appel : Le numérique est rarement perçu comme un levier RSE majeur au sein des entreprises.
Lorsqu’on parle de RSE, on pense climat, inclusion, achats responsables, économies d’énergie… mais rarement :
- durée de vie des laptops,
- gestion des smartphones inactifs,
- stockage massif d’appareils endormis,
- cycles de renouvellement trop rapides.
Pourtant, l’impact carbone de la fabrication d’un ordinateur est extrêmement élevé.
Ignorer ce sujet revient à négliger une partie déterminante du bilan environnemental de l’entreprise.
– 1. Des pratiques IT qui posent question
Dans les entreprises accompagnées, Revalo rencontre régulièrement :
- Du matériel quasi neuf inutilisé
Exemple réel : des MacBook sortis en mars 2025, jamais véritablement utilisés, revendus directement car l’entreprise s’était trompée dans les références commandées.
- Des ordinateurs avec moins de… 20 cycles de charge
Cela correspond à un collaborateur arrivé, reparti, et dont l’ordinateur n’a pas été réattribué.
- Des centaines d’appareils stockés pendant des années
En moyenne, les entreprises recontactées disposent de 300 à 400 appareils dormant dans des placards ou salles de stockage.
- Un renouvellement automatique tous les trois ans
Par habitude plus que par nécessité réelle.
- Une difficulté à avoir une vision claire du parc IT
Certains DSI disposent d’un inventaire précis.
D’autres… pas du tout.
III. Comment la revalorisation du matériel IT est un formidable levier RSE
– 1. Réduire immédiatement l’empreinte carbone
Prolonger la vie d’un appareil de 2 à 3 ans permet de réduire jusqu’à 50 % de son impact total, car la majorité se situe lors de la fabrication.
– 2. Réduire les coûts IT
- Moins d’achats neufs,
- Revenus générés par la revente,
- Optimisation du stock disponible.
La revalorisation est autofinancée dans de nombreux cas.
– 3. Visibilité positive pour les collaborateurs
Un programme de seconde vie peut devenir :
- un levier de fierté interne,
- un badge RSE concret,
- un moyen d’impliquer les équipes tech, achats, RH.
– 4. Contribution aux objectifs réglementaires
Même si la contrainte n’est pas encore forte, anticiper est un avantage stratégique.
– 5. Souveraineté numérique & résilience
Réflexion sur :
- la dépendance aux GAFAM,
- les OS alternatifs,
- la gouvernance du parc,
- la maîtrise des données.
4. Par où commencer ? Conseils concrets pour les entreprises
Voici une synthèse des recommandations tirées de l’épisode :
– 1. Cartographier l’existant
Faites un inventaire précis de ce que vous avez.
C’est souvent le premier frein — mais aussi le premier déclencheur d’action.
– 2. Allonger la durée de vie des appareils
Quelques pistes :
- augmenter les cycles de renouvellement (4–5 ans),
- privilégier des réparations simples,
- sensibiliser les collaborateurs à l’entretien de leur matériel.
– 3. Mettre en place une politique IT responsable
Clarifier :
- les règles de renouvellement,
- la redistribution en interne,
- le stockage temporaire,
- la fin de vie et le réemploi.
– 4. Intégrer les services RSE dès le début
Le sujet ne doit plus être laissé uniquement aux DSI.
C’est un pilier de la stratégie RSE.
– 5. S’appuyer sur des partenaires spécialisés
Comme Revalo, pour :
- l’effacement de données,
- la revente ou reconditionnement,
- la logistique,
- le reporting environnemental.
– 6. Communiquer en interne et en externe
- Communiqué interne sur la revalorisation,
- Mise en avant des économies carbone,
- Valorisation auprès des clients, partenaires, candidats, notamment dans les rapports RSE extra financiers.
Conclusion : le numérique responsable commence par mieux gérer ce que l’on possède déjà
La revalorisation du matériel IT n’est pas qu’une question technique :
c’est un choix stratégique, un levier RSE puissant, et un geste écologique immédiat.
En 2025, les entreprises n’ont plus d’excuse pour ignorer ce sujet :
- les impacts sont connus,
- les solutions existent,
- les bénéfices sont multiples,
- et les contraintes réglementaires s’intensifient progressivement.
Cet épisode 54 de Markoeur avec Aubin Lefebure montre une chose essentielle :
👉 la transition numérique responsable passe autant par des gestes simples que par des choix structurels.
Et la gestion de fin de vie du matériel IT en fait partie.
Retrouvez d’autres épisodes du podcast Markoeur autour du Numérique Responsable :
- N°8 avec Kevin Niel
- N°12 avec Bela Loto
- N°31 avec Rémy Marrone
- N°42 avec Julien Rouzé de Sopht
- N°49 avec Ecodair