Les achats responsables : un levier de transformation durable pour l’entreprise 

Et si la transformation des entreprises commençait par les achats ? 

Quand on parle de transformation durable, les projecteurs se braquent souvent sur le marketing, l’innovation produit ou la communication. Pourtant, un levier reste encore largement sous-estimé : les achats.
Or, les achats représentent en moyenne 60 % du chiffre d’affaires d’une entreprise. Autrement dit, ils structurent une part majeure des impacts économiques, sociaux et environnementaux. 

Dans l’épisode 46 de Markoeur, Sabine Jean Dubourg démontre que les achats responsables ne sont ni une contrainte réglementaire ni un supplément d’âme. Ils constituent un outil stratégique, capable de créer de la valeur, de renforcer la résilience des organisations et d’aligner les décisions business avec les enjeux climatiques et sociétaux. 

Cet article propose une lecture approfondie de cet échange, pour aider dirigeants, directions achats, marketing, communication et RSE à comprendre pourquoi et comment les achats peuvent devenir un moteur de transformation durable. 

 

I. Les achats responsables : de quoi parle-t-on vraiment ? 

-1. Définir les achats responsables au-delà du prix 

Les achats responsables consistent à intégrer des critères environnementaux, sociaux et éthiques dans les décisions d’achat, au même titre que le coût, la qualité et les délais.
Il ne s’agit donc pas de « payer plus cher pour se donner bonne conscience », mais de redéfinir la notion de valeur. 

Un achat responsable questionne : 

  • l’utilité réelle du besoin, 
  • l’origine des produits et services,
  • les conditions de fabrication, 
  • la relation avec le fournisseur, 
  • les impacts à court, moyen et long terme. 

          Cette approche remet profondément en cause une vision purement financière et court-termiste des achats. 

          -2. Pourquoi les achats sont un levier systémique 

          Contrairement à d’autres fonctions, les achats irriguent toute l’entreprise. Chaque produit, chaque service, chaque campagne marketing, chaque événement passe à un moment donné par une décision d’achat. 

          Agir sur les achats, c’est donc agir : 

          • sur la chaîne d’approvisionnement,
          • sur la relation fournisseurs, 
          • sur l’empreinte carbone, 
          • sur la crédibilité des engagements RSE. 

                C’est ce caractère transversal qui fait des achats responsables un levier systémique de transformation. 

                 

                II. Challenger le besoin : la première révolution des achats responsables 

                -1. Arrêter de challenger uniquement les fournisseurs 

                Un message fort de Sabine Jean Dubourg consiste à rappeler que le rôle de l’acheteur responsable n’est pas seulement de challenger les fournisseurs, mais aussi — et surtout — de challenger les clients internes. 

                Trop souvent, le service achats reçoit une demande déjà verrouillée : un produit précis, un prestataire imposé, un cahier des charges très descriptif. Dans ces conditions, toute marge de manœuvre disparaît. 

                -2. Redéfinir le besoin fonctionnel 

                L’approche responsable consiste à revenir à la fonction réelle du besoin.
                Que cherche-t-on à résoudre ? Quelle est la finalité de l’achat ? 

                Par exemple, demander « un goodies » n’a pas le même sens que demander « un objet qui remercie durablement un client ». Dans le second cas, le champ des possibles s’élargit et permet des solutions plus responsables, plus utiles et parfois plus différenciantes. 

                 

                III. Sourcer autrement : connaître son marché et ses impacts 

                -1. Le sourcing, cœur du métier d’acheteur responsable 

                Un acheteur responsable est avant tout un professionnel qui connaît son marché : maturité des fournisseurs, contraintes réglementaires, innovations disponibles, limites physiques ou géographiques. 

                Cette connaissance permet d’anticiper les risques et d’éviter des choix irréalistes ou incohérents avec les objectifs RSE de l’entreprise. 

                -2. Identifier les impacts par famille d’achat 

                Tous les achats n’ont pas les mêmes impacts.
                Acheter une voiture de fonction, organiser un événement marketing ou sélectionner un prestataire de communication n’entraîne ni les mêmes émissions, ni les mêmes risques sociaux. 

                La démarche responsable commence donc par une analyse des impacts par catégorie d’achat, afin de prioriser les actions et d’éviter une approche uniforme inefficace. 

                 

                IV. La relation fournisseur : du rapport de force au partenariat 

                -1. Repenser la relation économique 

                Les achats responsables reposent sur une relation fournisseur équilibrée et durable.
                Cela passe notamment par un point souvent négligé : le respect des délais de paiement. 

                Sabine Jean Dubourg rappelle que des pratiques comme le paiement à 60, 90 voire 180 jours fragilisent les fournisseurs, en particulier les PME, et dégradent la confiance. 

                -2. La charte Relations Fournisseurs et Achats Responsables 

                Créée en 2009, la charte Relations Fournisseurs et Achats Responsables vise à rééquilibrer les relations entre donneurs d’ordre et fournisseurs.
                Son premier pilier repose sur l’équité financière, incluant le respect strict des délais de paiement, conformément à la loi. 

                Signer cette charte n’est pas symbolique : c’est un signal fort envoyé à l’écosystème. 

                 

                V. Labels, notations et transparence : naviguer dans la complexité 

                -1. Labels robustes et éco-conception 

                Pour sécuriser les décisions, certains labels apportent un cadre exigeant, comme Cradle to Cradle, qui repose sur les principes de circularité (rien ne se perd, tout se transforme). 

                Ces labels permettent d’aller au-delà des déclarations marketing et d’ancrer les achats dans des démarches vérifiables. 

                -2. ÉcoVadis et Impact Score : forces et limites 

                Les notations extra-financières comme ÉcoVadis présentent des avantages : comparabilité sectorielle, alignement avec la réglementation, logique d’amélioration continue.
                Mais elles restent complexes, coûteuses et parfois peu lisibles pour les PME. 

                Des alternatives comme l’Impact Score proposent une approche plus pédagogique, adaptée à la taille des entreprises, et expliquent le sens des critères évalués. 

                 

                VI. Achats responsables et marketing : une alliance stratégique 

                -1. Quand marketing, ventes et achats travaillent ensemble 

                Un exemple marquant évoqué dans l’épisode illustre la puissance de la collaboration inter-métiers.
                Grâce à un travail conjoint entre marketing, ventes et achats, un produit éco-conçu a pu être vendu plus cher et mieux, car porteur d’une valeur supplémentaire pour le client final. 

                Ce cas démontre que les achats responsables peuvent devenir un levier de différenciation commerciale. 

                -2. Le rôle clé du marketeur 

                Le marketeur devient alors un acheteur de produits et services marketing, responsable du sens donné aux campagnes, aux événements et aux supports.
                En posant les bonnes questions en amont, il facilite des choix cohérents avec la stratégie RSE. 

                 

                VII. Réglementations et vision long terme : penser 2030, pas seulement 2025 

                -1. La CSRD comme catalyseur 

                La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose progressivement aux entreprises européennes de reporter leurs impacts et risques extra-financiers.
                Cette réglementation crée un cadre commun et améliore la comparabilité, notamment pour les acheteurs. 

                -2. Anticiper les risques climatiques 

                Les achats responsables obligent à se projeter sur le long terme : disponibilité des ressources, risques climatiques, résilience des fournisseurs.
                Penser les achats à l’horizon 2030 devient une nécessité stratégique. 

                 

                Conclusion – Passer d’une société de biens à une société de liens 

                Les achats responsables ne se résument ni à des outils ni à des procédures. Ils reposent avant tout sur une vision humaine, fondée sur la coopération, la transparence et le sens. 

                En replaçant l’utilité, la relation et le long terme au cœur des décisions, ils permettent de passer d’une logique de possession à une logique de lien. 

                Dans un monde sous contraintes, cette approche n’est plus une option. Elle devient un marqueur de la bonne santé des entreprises, au même titre que le marketing durable. 

                Retrouvez d’autres épisodes du podcast Markoeur autour de la RSE :