Et si la vraie performance venait du cœur ?
Pendant des décennies, la performance en entreprise a été associée à la rationalité, aux process, aux chiffres et aux compétences techniques. Le management s’est construit autour du contrôle, de l’analyse et de la mesure. Pourtant, à mesure que les organisations se complexifient, que les rythmes s’accélèrent et que les attentes humaines évoluent, un constat s’impose : les entreprises ne manquent pas de compétences, elles manquent de qualité relationnelle.
Dans l’épisode 5 de Markoeur, Régis Rossi pose un regard différent sur la performance managériale. À travers son parcours singulier – conférencier depuis 2011, plus de 900 conférences données auprès de PME, de grands groupes et d’entreprises du CAC 40 – il démontre que la clé de la réussite durable réside dans un levier longtemps sous-estimé : l’intelligence émotionnelle.
Cet article propose une analyse approfondie de cet échange fondateur du podcast Markoeur. Il éclaire pourquoi et comment l’intelligence émotionnelle devient aujourd’hui un pilier du management, du marketing durable et de la relation aux parties prenantes.
I. Comprendre l’intelligence émotionnelle en entreprise
-1. Définir l’intelligence émotionnelle au-delà des idées reçues
L’intelligence émotionnelle peut se définir comme la capacité à reconnaître, comprendre et intégrer les émotions – les siennes comme celles des autres – dans ses décisions et ses relations. Contrairement à une vision caricaturale, elle ne s’oppose pas à la rationalité. Elle permet au contraire de relier l’esprit et le cœur.
Régis Rossi insiste sur ce point : nous sommes avant tout des êtres émotionnels. Les émotions influencent nos décisions, notre communication, notre perception du monde et notre capacité à coopérer. Les ignorer revient à piloter une organisation avec une information incomplète.
-2. Décider, communiquer et percevoir avec le cœur
Décider avec son cœur ne signifie pas agir de manière impulsive. Cela signifie intégrer les signaux émotionnels comme des indicateurs précieux : tensions, peurs, motivations, enthousiasmes.
En entreprise, chaque annonce – lancement de projet, transformation, recrutement, réorganisation, fin de mission – génère des émotions. Les dirigeants et managers qui savent les reconnaître créent des relations plus solides, plus durables et plus performantes.
II. Attention, perception et émotions : les clés de la communication efficace
-1. L’attention, ressource rare du monde professionnel
Les neurosciences ont profondément éclairé les mécanismes de la communication. Régis Rossi rappelle un chiffre marquant : un cadre est interrompu en moyenne toutes les 11 minutes dans son travail. Nous vivons dans un monde d’ultra-connexion où l’attention est constamment fragmentée.
Or, pour qu’un message soit compris et mémorisé, il doit mobiliser une attention forte et exclusive. Sans attention, il n’y a ni écoute, ni compréhension, ni engagement. Pour les managers comme pour les marketeurs, capter et respecter l’attention devient un enjeu stratégique.
-2. Perceptions différentes, conflits évitables
Nous percevons tous la réalité à travers notre propre filtre émotionnel. Deux personnes peuvent vivre une même situation de manière totalement différente, sans que l’une ou l’autre ait tort.
Selon Régis Rossi, 80 à 90 % des conflits en entreprise proviennent de perceptions différentes, non exprimées ou non écoutées. Lorsque les points de vue ne sont pas confrontés avec bienveillance, les tensions s’installent durablement.
L’écoute active et l’empathie permettent alors de transformer un potentiel conflit en opportunité de compréhension mutuelle.
III. Empathie et écoute : des compétences stratégiques
-1. L’écoute comme fondement de l’empathie
Pour Régis Rossi, le marqueur le plus puissant de l’intelligence émotionnelle est l’écoute. Écouter réellement, sans interrompre, sans préparer sa réponse, sans juger.
Dans son propre parcours, il raconte comment son passage en institut d’études marketing lui a permis de comprendre en profondeur les motivations humaines. L’empathie naît de cette capacité à entendre ce qui est dit, mais aussi ce qui ne l’est pas.
-2. Marketing, empathie et attentes non exprimées
En marketing, l’empathie est une compétence centrale. Comprendre sa cible ne consiste pas uniquement à analyser des données, mais à se mettre sincèrement à la place de l’autre.
Les meilleures offres, rappelle Régis Rossi, répondent souvent à des attentes non exprimées. C’est en écoutant attentivement son environnement que l’on identifie ces besoins latents et que l’on conçoit des offres réellement utiles et durables.
IV. Bienveillance, confiance et cohérence managériale
-1. Bienveillance ne signifie pas complaisance
La bienveillance est souvent galvaudée. Régis Rossi en revient à son origine latine : bona vigilantia, la bonne vigilance. Être bienveillant, c’est porter attention à l’autre tout en restant exigeant.
La bienveillance n’exclut ni le recadrage ni la critique. Elle impose simplement que ces actes portent sur des faits et des comportements, jamais sur la personne.
-2. La confiance comme joyau à protéger
La confiance est décrite comme un joyau fragile. Elle suppose une prise de risque mutuelle entre le manager et le collaborateur. Lorsqu’elle se brise, il est très difficile de la reconstruire.
Régis Rossi invite les dirigeants à parler explicitement de la confiance, à la nommer, à en faire un bien commun dont chacun est responsable. Une organisation fondée sur la confiance renforce naturellement l’engagement et la coopération.
V. Intelligence émotionnelle et transformation des entreprises
-1. Donner du sens dans un monde en mutation
La société s’est profondément transformée au cours des quinze dernières années. Les attentes des collaborateurs ont évolué. La quête de sens est devenue centrale.
Régis Rossi souligne que les entreprises ne sont plus seulement attendues sur leur capacité à générer du profit, mais sur leur engagement sociétal et humain. Les jeunes générations ont largement accéléré cette prise de conscience.
-2. L’entreprise comme espace relationnel
Aujourd’hui, on ne rejoint plus uniquement une entreprise pour un poste ou un salaire. On rejoint des personnes, une vision, une culture, des valeurs. Cela doit être inscrit dans la politique RH de l’entreprise, présenté dans le livret d’accueil des nouveaux collaborateurs, et intégré par tous les salariés.
Les dirigeants et managers ont un rôle clé à jouer : être inspirants, cohérents et attentifs. Plus on monte dans la hiérarchie, plus la responsabilité émotionnelle est forte.
Conclusion – L’intelligence émotionnelle, fondement du marketing durable
L’intelligence émotionnelle n’est ni une mode ni une compétence “soft”. Elle constitue un levier stratégique majeur pour construire des organisations durables, humaines et performantes.
Comme le rappelle Régis Rossi, c’est en prenant soin des relations internes que les entreprises prennent soin de leurs clients et de leurs parties prenantes. Le marketing durable commence là : dans la qualité de l’attention, de l’écoute et de la confiance.
Récap – Bonnes pratiques pour intégrer l’intelligence émotionnelle en management
Pour les dirigeants et managers
- Prendre conscience que les émotions influencent toutes les décisions professionnelles.
- Développer une écoute active, sans interruption ni jugement.
- Créer des espaces de dialogue réguliers pour exprimer ressentis et perceptions.
- Travailler l’attention : limiter les distractions, couper les écrans lors des échanges clés.
- Clarifier et nommer la confiance comme un engagement réciproque.
- Pratiquer une bienveillance exigeante, fondée sur les faits et non sur les personnes.
Retrouvez d’autres épisodes du podcast Markoeur autour du management et des ressources humaines :
- N°5 – Régis Rossi : L’intelligence émotionnelle au service du marketing durable
- N°7 – Catherine Auguste : Bien-être et qualité de vie au travail
- N°29 – Marion Ferlin : Embarquer les équipes dans la RSE
- N°30 – Christophe Medici : Transformer pensées négatives en actions RSE
- N°32 – Élisabeth Lafosse : Préserver sa santé mentale au travail
- N°33 – Patrick Scharnitzky : Décrypter stéréotypes et manipulations mentales
- N°37 – Aurélie Goudant : Faciliter le retour après congé parental

